Les traditions font partie de notre identité. Les deux éléments s'influencent mutuellement. La SSR s'est récemment penchée sur la manière dont nous comprenons notre identité, et les résultats sont surprenants.

Lorsque les filles ont soudainement été autorisées à participer à la procession traditionnelle de Chalandamarz cette année, cela a fait la une des journaux jusqu'au-delà des frontières du pays. On a aussi parlé d'une nouvelle version inclusive des cartes de jass. Ce bien culturel suisse a-t-il besoin d'une mise à jour en 2023, s'est-on demandé. Les traditions doivent-elles s'adapter pour rester dans l'air du temps ou perdons-nous un peu de notre identité en les modifiant trop?

Didier Kottelat

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Il est intéressant de se pencher sur l'une des plus grandes enquêtes jamais réalisées en Suisse. Ce printemps, l'institut de recherche gfs.bern a interrogé plus de 57'000 personnes pour le compte de la SSR, notamment sur l'identité suisse. Les réponses le montrent : selon une nette majorité des personnes interrogées, l'identité suisse ne se résume pas à des éléments ancrés dans la tradition. L'identité est quelque chose qui peut évoluer avec le temps et s'adapter à de nouvelles conditions.

Le comportement est plus important que l'origine

La majorité des personnes interrogées pensent que le fait d'être né ici n'est pas déterminant pour l'identité suisse. Elles sont 54% à penser que c'est plutôt secondaire ou pas important du tout. Le comportement est considéré comme beaucoup plus important: respectivement 96% et 95% des personnes sondées ont déclaré que le respect des institutions et des lois suisses ou le fait de parler une langue nationale était très important ou plutôt important pour l'identité suisse.

Une majorité affirme également qu'il faut avoir des connaissances en matière de culture et d'histoire. Seuls 25% considèrent que l'appartenance à une religion nationale est importante pour avoir une identité suisse.

En ce qui concerne l'importance du lieu de naissance pour l'identité suisse, il existe un fort contraste entre la Suisse italienne et la Suisse romande. Au Tessin, 34% des personnes interrogées considèrent que le fait d'être né en Suisse est très important pour l'identité, alors qu'en Suisse romande, seules 9% des sondés partagent cette opinion. En Suisse alémanique, 21% considèrent le lieu de naissance comme très important.

Les immigrés aussi peuvent être suisses

Aux yeux des personnes interrogées, la démocratie directe, l'une des grandes traditions politiques du pays, joue un rôle décisif dans l'identité suisse. Pas moins de 98% la considèrent comme un élément essentiel de l'identité suisse. D'autre part, 64% sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle les immigrés peuvent conserver leurs valeurs tout en restant suisses.

Interrogés sur leur propre identité, les habitants de la Suisse font part d'une image claire: deux tiers d'entre eux se décrivent comme pleinement suisses ou presque pleinement suisses. Quasi personne ne se dit "pas du tout suisse".

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que 77% des personnes interrogées soient d'accord avec l'affirmation : "La Suisse est le meilleur pays du monde où l'on puisse vivre !"

Qui sommes-nous?

Les rituels du 1er août : comment les mythes nationaux sont construits et entretenus

Les États-nations ne peuvent pas se débarrasser du pouvoir de la religion, même s'ils établissent une séparation radicale entre l'Église et l'État, car ils dépendent également des rituels et de la foi.

David Atwood, spécialiste zurichois des religions, parle des feux de joie, des lanternes et du serment prêté par les nouveaux membres du gouvernement suisse.

SWI swissinfo.ch : Le 1er août de chaque année, les habitants de toute la Suisse allument de grands feux de joie et rendent hommage à la nation. Il y a là quelque chose d'archaïque. En tant qu'érudit religieux, cela ne vous fait-il pas également penser à un sabbat de sorcières lors de la nuit de Walpurgis ?

David Atwood : Non, je ne le vois pas vraiment comme un rituel occulte. Mais oui, les feux ont probablement joué un rôle important dans les rituels depuis l'âge de pierre.

SWI : Quelle est l'origine des feux de joie du 1er août ?

D.A. : Lorsque le 1er août a été consacré fête nationale suisse à la fin du 19e siècle, plusieurs choses ont été combinées. Les modèles des feux de joie du 1er août étaient probablement les feux qui ont une tradition séculaire dans les Alpes. Les lanternes ont été ajoutées plus tard, en tant qu'importation d'Asie. Les traditions sont souvent le résultat créatif d'emprunts culturels.

SWI : Quel était le but des premiers feux de joie ?

D.A. : Pour commencer, ils étaient utilisés pour la communication. Les gens les allumaient pour indiquer à d'autres petits groupes apparentés où ils se trouvaient et s'il y avait un danger.

SWI : Ils étaient donc un moyen de communication pour les communautés tribales ?

D.A. : Exactement. Mais ils avaient aussi une fonction protectrice, ils étaient destinés à chasser les mauvais esprits. Même si toute interprétation concernant cette première phase de l'humanité ne peut être que spéculative, il existe également d'autres théories sur leur origine.

SWI : En plus des feux de joie, le 1er août, les gens brandissent des drapeaux avec la croix suisse. La croix blanche sur fond rouge a-t-elle perdu toute signification religieuse ?  

D.A. : C'est un symbole chrétien qui a été transformé en symbole national.  

SWI : Au début de la Confédération, les Suisses aimaient se comparer au peuple d'Israël tel qu'il est décrit dans la Bible, dans le livre de la Genèse. Les Suisses se considèrent également comme un peuple élu. Quel rôle cette idée a-t-elle joué dans la construction de l'identité nationale ?  

D.A. : C'est une idée qui a eu beaucoup de succès à l'époque moderne. Le réformateur zurichois Heinrich Bullinger a également affirmé que les Suisses étaient le peuple élu de Dieu. Ils se considéraient comme ceux qui avaient christianisé les régions montagneuses et donc l'intersection entre le nord et le sud de l'Europe, ouvrant ainsi la voie au Vatican vers le nord germanique et païen. Les intellectuels des pays environnants ont contesté ce statut divin du peuple suisse, mais la Suisse n'a pas été la seule à le proclamer.

Aux États-Unis, l'idée d'un peuple choisi fait encore partie de la rhétorique nationale. En Suisse, l'idée a plus ou moins disparu au 17e siècle.

SWI : La Révolution française a clairement défié la religion. Le mot "saint" a été supprimé des noms de rue, par exemple. Dans quelle mesure cette rivalité entre l'État et la religion est-elle fondamentale pour les États démocratiques ?

D.A. : Cette rivalité était déjà présente dans les écrits des Pères de l'Eglise. Dès le quatrième siècle de notre ère, Augustin parlait de deux royaumes. Il a posé la question suivante : Comment les chrétiens doivent-ils agir vis-à-vis de l'État romain ? Que faut-il donner à l'empereur et que faut-il donner à Dieu ? Des questions similaires ont été soulevées pendant la guerre de Trente Ans, qui a débuté par un conflit religieux.

Pourtant, lors de la Révolution française, certaines parties de l'État lui-même ont été qualifiées de sacrées pour la première fois. Ainsi, non seulement les saints ont été retirés des noms de rue, mais les églises ont été transformées en "temples de la déesse de la raison".

SWI : Le philosophe genevois Jean Jacques Rousseau parlait de "religion civile". Que veut-il dire par là ?

D.A. : A la fin de sa réflexion sur le contrat social, Rousseau s'interroge sur la manière dont les individus parviennent à s'unir pour former une communauté, malgré la multiplicité de leurs points de vue. Comment cela est-il possible ? Pour Rousseau, la solution réside dans une religion des citoyens. Tout le monde doit partager certaines croyances.

D.A. : La foi en la constitution. Pour Rousseau, elle se situe également au-dessus de la religion individuelle. Les citoyens devraient d'abord croire en la Constitution, et ensuite seulement avoir une appartenance religieuse.  

SWI : Peut-il y avoir trop de religion civile ?  

D.A. : Les Etats peuvent certainement devenir totalitaires et forcer leurs citoyens à croire et à endosser certaines choses, cultivant une identité unifiée au-delà de l'Etat de droit. Je ne parle pas ici des États théocratiques comme l'Iran, qui deviennent totalitaires au nom d'une religion particulière. Je veux parler de régimes comme celui de l'Allemagne sous le national-socialisme, où les mythes et les rituels d'État ont joué un rôle considérable. Les marches aux flambeaux des nazis en sont un exemple.

Je pense qu'il est important de comprendre que cet élément civil et religieux est présent quelque part dans tous les États. La rivalité entre la religion et l'État a fermé les yeux sur le fait que la religion ne se trouve pas seulement dans les églises, mais aussi au sein de l'État. Mais cela ne signifie pas pour autant que tous les hommes politiques sont des pasteurs.

SWI : Comment voyez-vous cette religion civile en Suisse ?

D.A. : Dans les discours du 1er août, par exemple. Chaque année, les responsables politiques répondent aux questions : Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Ils construisent un mythe national - non pas dans le sens d'une fausse histoire, mais l'image de la Suisse dans laquelle nous voulons vivre. Cela rend également possible des contre-conceptions, comme celle proposée par l'Institut Nouvelle Suisse : qu'est-ce qu'une Suisse post-migratoire ?

D.A. : Si nous comprenons la religion comme la formation sociale de mythes à travers des rituels, alors oui. Même dans les États-nations, des cérémonies sont nécessaires pour créer de la légitimité et de la crédibilité. Les idées ont un effet plus puissant lorsque nous nous tenons ensemble sur une place bondée ; cela nous aide à sentir que nous faisons partie d'une communauté. Les sociétés ont besoin de telles mises en scène pour prospérer.

D.A. : Regardez la prestation de serment des conseillers fédéraux suisses: par cette démarche obligatoire, ils obtiennent un nouveau statut juridique, celui de membre du gouvernement. Elle doit être accompagnée d'un rituel.  

Le philosophe italien Giorgio Agamben a déclaré que tout serment, tout vœu, est un acte religieux par lequel nous attestons que ce que nous nous apprêtons à dire est vrai. Si je mens maintenant, je peux être puni pour cela. Les serments sont un exemple typique de ce mélange juridico-religieux. La Confédération suisse se nomme d'ailleurs, en allemand, Eidgenossenschaft, c'est-à-dire "communauté de serment", en référence aux pactes signés entre les différents cantons lors de la formation du pays.

Fête nationale du 1er août

"Gender bells, gender bells", les cloches de l'égalité des genres sonnent dans les Alpes

Le livre suisse pour enfants "A Bell for Ursli" (Une cloche pour Ursli) a rendu la fête traditionnelle du printemps "Chalandamarz" célèbre dans le monde entier. Aujourd'hui, la controverse couve dans les Alpes suisses, car même les derniers bastions de la tradition ont autorisé les filles à y participer. SWI swissinfo.ch s'est rendu à Zuoz, un village tiraillé entre les traditions et les questions de genre.

C'est le village de montagne suisse typique tel que l'imaginent les étrangers. Des maisons massives en pierre aux murs peints de manière élaborée bordent les rues de Zuoz, un village situé dans la haute vallée de l'Engadine, dans les Alpes suisses orientales. Une fontaine ornée de fleurs se trouve sur la place principale, avec son école et son hôtel de ville. Le village est surplombé par le Lyceum Alpinum, un internat de renommée internationale.

Mais l'idylle est trompeuse. Depuis près d'un an, le village alpin est en proie à des conflits. La cause en est une guerre culturelle entre la tradition et l'égalité des genres, un conflit qui se déroule dans le monde entier. À Zuoz, il s'agit ni plus ni moins que de la coutume la plus connue de l'Engadine, le Chalandamarz, une procession qui a lieu chaque année le 1er mars et au cours de laquelle les garçons de la région font le tour du village en faisant sonner les cloches et en chantant, afin de chasser l'hiver.

Juste les garçons - jusqu'à aujourd'hui, en tout cas. Et c'est là que réside le problème.

Le Chalandamarz s'est fait connaître du grand public grâce au livre illustré pour enfants "A Bell for Ursli". Publiée immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, cette histoire aux images emblématiques est devenue, au fil des décennies, le deuxième livre pour enfants le plus populaire de Suisse, éclipsé seulement par Heidi. Il a été traduit en huit langues, dont l'anglais, le japonais et le chinois.

L'histoire est celle du petit Ursli, qui n'a reçu qu'une minuscule cloche de chèvre pour Chalandamarz. Les autres garçons du village se moquent de lui à cause de ça. En conséquence, Ursli devra marcher à l'arrière de la procession des cloches à vache, une ignominie qu'il ne peut accepter. Il se fraye un chemin dans la neige épaisse jusqu'au refuge alpin de la famille, où est suspendue une énorme cloche à vache. Le lendemain, il revient au village avec la cloche et est désormais autorisé à mener la procession parce qu'il a la plus grosse cloche.

Il s'agit d'une histoire d'émancipation, mais avec une distribution masculine. Ursli a également une sœur, Flurina, mais, comme toutes les autres filles du village, elle n'est pas autorisée à participer à la procession. Cette division entre les sexes ne dérangeait probablement personne dans les années 1940. À Zuoz, où la tradition est restée intacte pendant des années, la question a suscité une controverse.

L'élément déclencheur a été l'initiative du conseil municipal d'ouvrir la coutume aux femmes. L'idée était que les filles soient traitées sur un pied d'égalité, c'est-à-dire qu'elles participent à la procession, chantent et portent des blouses bleues de paysan et des chapeaux rouges à pompon, tout comme les garçons.

C'est ce qu'exige notamment le principe d'égalité inscrit dans la Constitution fédérale, qui s'impose à toutes les écoles de Suisse. À Zuoz, qui prend la tradition plus au sérieux que presque tous les autres villages de l'Engadine, le Chalandamarz est un élément obligatoire de l'année scolaire.

Mais la révolution s'est heurtée à des résistances. Le vote à l'assemblée municipale de juin 2022 a révélé les profondes dissensions qui traversent le village. Alors que de nombreuses femmes, en particulier, se sont exprimées en faveur de la participation des filles, un électeur a déclaré que pour lui, le Chalandamarz ne serait plus le même. Quelqu'un d'autre a suggéré d'impliquer les filles d'une autre manière : "Elles pourraient par exemple décorer la salle des fêtes".

Le maire s'est senti obligé de faire un geste spontané et a retiré la proposition pour réexamen. Cependant, la controverse n'a pas disparu. C'est un sujet qu'il vaut mieux éviter lors des repas de famille, confie un résident lors d'une visite de SWI swissinfo.ch à la fin de l'été 2022. Elle-même était en faveur de la révision, a-t-elle déclaré. D'autres, y compris des femmes, se sont contentés de secouer la tête. Il est impensable que les coutumes de l'Engadine soient bouleversées par des activistes du genre venant de la plaine, ont-ils déclaré.

Le côté obscur des coutumes ancestrales

Mischa Gallati, spécialiste des sciences culturelles et chargé de cours à l'Université de Zurich, n'est pas surpris par le scepticisme qui règne à Zuoz. La tradition est née à une époque où la société était clairement organisée en fonction des sexes. Si le rituel était modifié, cette dualité serait également remise en question. "C'est lié aux peurs. Il y a une attitude défensive, un repli sur les modèles traditionnels", dit-il.

Mais ce n'est qu'un aspect du litige, selon M.Gallati. La discorde au sein de l'assemblée municipale a montré que l'ensemble de la question était également un débat par procuration. "Les frontières ont leur côté obscur. Il s'agit toujours aussi d'exclusion, de savoir qui a le pouvoir et qui est à sa place."

Comme dans de nombreux villages de montagne suisses, habitants et nouveaux venus s'opposent à Zuoz. Cette confrontation est exacerbée par le fait que la langue parlée ici est le romanche, une langue nationale suisse parlée par environ 50'000 personnes. Beaucoup de nouveaux arrivants n'essaient pas de l'apprendre.

Malgré cette résistance, M.Gallati considère qu'il est évident que la coutume changera, comme cela s'est déjà produit dans d'autres villages voisins. Les coutumes sont un instrument d'affirmation de soi, explique-t-il. Le Chalandamarz remonte à une société agraire, où le passage des saisons occupait une place centrale. "Ces rituels ont été construits autour de cela, et maintenant ils sont chargés d'un nouveau contenu", dit-il.

Andrea Könz porte un regard plus critique sur ce changement. Elle est la veuve de Steivan Liun Könz, fils de l'auteure d'"Une cloche pour Ursli". Bien sûr, les traditions doivent évoluer, convient-elle, "mais ma principale critique de la modernisation est que le symbolisme qui sous-tend la coutume n'est plus compris". Le Chalandamarz est un cycle de fertilité, explique-t-elle, et les grosses cloches ont des connotations phalliques. "Est-ce que ça a du sens de les mettre sur les filles ?"

Andrea Könz voit également un choc des cultures dans le débat à Zuoz. Ce sont les femmes des plaines qui ont fait pression pour obtenir l'égalité des droits dans les villages de montagne, dit-elle. "Elles ne voyaient pas pourquoi leurs filles seraient exclues". C'est l'ensemble de leurs revendications qui dérange Andrea Könz. Sa fille voulait également participer au  Chalandamarz dans le village de Guarda, où elless ont longtemps vécu et où se déroule également "Une cloche pour Ursli".

C'était dans les années 1990. Comme d'autres communautés de l'Engadine, le village de Guarda a discuté il y a plusieurs années de la possibilité d'inclure des filles. "Mais le débat sur l'égalité des sexes n'était pas aussi passionné à l'époque qu'il l'est aujourd'hui", explique Andrea Könz.

Selon elle, la diversité est trop souvent liée à l'apparence extérieure et l'égalité est confondue avec l'uniformité. Dans de nombreux villages, les filles avaient leur propre rôle dans le rituel. C'est là qu'elle voit une possibilité de renouveler la coutume sans la trahir. "Il s'agit alors de ne pas simplement dévaloriser le rôle des filles en le considérant comme insignifiant, mais de lui accorder la même attention", dit-elle.

Zuoz a choisi une solution à la fois traditionnelle et non-traditionnelle pour sortir de ce dilemme. En 2023, les filles participent pour la première fois à la procession, habillées de la même manière que les garçons, mais sans porter de cloches.

Une commission, chargée par le conseil municipal de résoudre la question, est parvenue d'elle-même à ce compromis. La décision n'a pas été portée à la connaissance de la communauté, qui s'est vue présenter les faits sur le terrain.

Selon Ramun Ratti, vice-président et maire par intérim de Zuoz, la "grande majorité des membres de la communauté" était d'accord pour que les filles participent également. Ainsi, avec le nouveau visage de la coutume, la paix devrait revenir dans le village.

Le Chalandamarz est important pour la cohésion et l'identification, souligne M.Ratti. Il subit également la pression des plaines. "Si l'on considère la situation dans son ensemble, nous sommes en minorité".

M.Ratti est convaincue que le débat sur l'égalité entre les hommes et les femmes doit être abordé. "Mais il est important de développer la tradition avec soin. Cela a toujours été le cas, explique-t-il. "Les blouses bleues et les chapeaux rouges n'ont été ajoutés à Zuoz qu'après la guerre.

En outre, l'objectif même de la tradition a changé, selon lui. "Autrefois, il y avait un lien avec les mercenaires: en plus de chasser l'hiver, c'était l'occasion pour les garçons de se présenter au village".

Aujourd'hui, dit-il, l'événement est principalement destiné aux enfants. C'est peut-être ce qui a le plus influencé sa pensée. "Ma fille avait vraiment hâte de participer", explique-t-il.

"Gender bells, gender bells"

"On les traite de machos maintenant. C'est dommage"

Début janvier 2022, la Société des tireurs à la cible de Payerne a refusé l'intégration des femmes. Mais ce n'est pas la seule société ou association non-mixte. Est-ce problématique, alors qu'on parle de plus en plus d'égalité ? Un reportage de l'émission 15 minutes. 

Le sujet a largement fait parler dans la ville vaudoise de Payerne en début 2022. Par 440 non et 203 oui, les membres de cette société historique ont refusé l'accès aux femmes. Le traditionnel Tirage restera masculin. Au sein de la Fédération des abbayes vaudoises, cette confrérie fait partie des 81 encore exclusivement masculines, contre 94 mixtes.

Dans un restaurant de la commune, le sujet anime les discussions. Pour ce membre, le problème ne vient pas de l'activité du tir, mais plutôt de la fête qui suit. "On se retrouve entre mecs. Ça n'arrive qu'une fois par année. Vous n'aimez pas vous retrouver entre copains?"

"Le tir est seulement une excuse. Je n'ai rien contre les filles qui tirent. Y en a qui tirent beaucoup mieux que moi". Un de ses amis d'enchérir, "les femmes casseraient l'ambiance". Contacté, l’abbé-président de la société n’a lui pas souhaité revenir sur ce vote.

Certains avis sont parfois plus difficile à recueillir. Comme celui de cet homme, acquis à la mixité, mais qui ne veut pas s’attirer d’ennuis. "Je suis scandalisée. On les traite de machos maintenant. C'est dommage", explique une Payernoise, qui estime aussi que les filles n'ont peut-être pas amené le sujet "très diplomatiquement".

Derrière cette démarche d'intégration, il y a un groupe de 17 femmes de la région: les Adélaïdes. "C'est compliqué de se dire qu'on n'a pas le droit d'entrer, juste parce qu'on est une femme", explique Salomé Barth, 21 ans, qui fait partie de ce collectif.

A Payerne, le sujet divise aussi les femmes. Les filles de la Jeunesse se sont publiquement distanciées des Adélaïdes. "Laissons-les. C'est la seule chose qu'il leur reste aux mecs!", affirme une habitante, mariée à un membre de la société. Elle ne croit pas à une intégration des femmes avant une dizaine d'années: "en plus ils n'ont pas besoin des femmes pour remplir les salles. Il y a assez de membres". La société en compte aujourd'hui près d'un millier.

Il existe aussi des groupes de femmes qui décident de rester uniquement entre elles. A Neuchâtel, pas loin de l'Université, on trouve le local d’Hétaïra. Une association 100% étudiantes. "Les fondatrices voulaient une société avec leurs propres règles, plutôt que de s'incruster dans une société masculine", explique Vanessa Fernandes, l'actuelle présidente.

Mais pourquoi créer une société uniquement réservée aux femmes? "On crée un 'safe space'. Un climat de confiance. On parle librement de sujets qui touchent les femmes. L'inconvénient, c'est de ne pas avoir un point de vue masculin."

"Forcément, aujourd'hui, on se demande si Zofingue doit s'adapter à ce changement sociétal. Je pense qu'à l'avenir, nous allons nous ouvrir aux femmes.", explique Scott Greinig, membre de la société.

"Il y a une vraie différence entre la jeune génération et l'ancienne", analyse Vincent Pheulpin, président des Vieux-Zofingiens de Neuchâtel. Il craint que la mixité remette en cause beaucoup de traditions. "Les hommes entre eux ne se comportent pas de la même manière s'il y a une femme. On perdrait de la spontanéité". Les deux s'accordent à dire que les membres ne sont pas encore mûrs pour accepter des femmes.

"On les traite des machos. Dommage"

Les meilleurs fromages à raclette viennent du Valais et d'Obwald

Le fumet de la raclette a enveloppé Morgins ce week-end. La station valaisanne a vécu la première édition des Championnats du monde de la raclette, durant lesquels 87 fromages ont été dégustés. Les résultats sont tombés dimanche.

Dans la catégorie raclette au lait cru d'alpage, le tiercé est valaisan, avec en tête le fromage de l'alpage de Tanay, à Vouvry (VS). Dans les fromages au lait cru de laiterie, le titre revient à la fromagerie Le Pont de Champéry (VS). Enfin dans la catégorie "autres fromages", c'est la fromagerie Seiler Sélection by Wyssmüller, Maître Fromager de Giswil dans le canton d'Obwald qui s'impose. 

"Pour qu'un fromage soit en appellation 'alpage', il faut que le lait soit produit et transformé à l'alpage. Si l'une des conditions n'est pas réunie, il perd l'appellation", précise Laurent Ecoeur, agriculteur et fromager à Val-d'Illiez (VS) et co-organisateur du concours.

Parmi les 87 producteurs présents, en majorité valaisans, figuraient les seize producteurs du Val d'Illiez. "Cela montre un vrai soutien à la manifestation", se réjouit Christophe Berra, président du comité d'organisation de cette première édition.

Il y avait aussi des meules en provenance de Fribourg, Vaud, Neuchâtel ou encore de Suisse alémanique. D'autres auront roulé leurs bosses depuis la France, l'Italie, la Belgique et, plus étonnant, depuis la Roumanie, le Canada et la Grande-Bretagne.

Les organisateurs espéraient aussi séduire le Japon, le Brésil et l'Argentine, mais des complications administratives et des délais trop courts ont contrarié leurs plans. Ce sera pour une prochaine édition, assure le président du comité d'organisation.

Un jury composé de 50 professionnels et consommateurs a écrémé les meules candidates et n'en a retenu que le 20%. Cette sélection a été ensuite appréciée par huit jurés reconnus sur le plan international: les Français Laetitia Gaborit et Bernard Mure-Ravaud, le Belge Philippe Moreau et les Suisses Eddy Baillifard, François Raemy, Roger Dubosson, Andréas Leibundgut et Edith Beutler.

Couleur, tenue, texture, puissance, arômes: rien n'a été laissé au hasard. "La dégustation s'apparente à une dégustation de vin", note Christophe Berra.

"On ne va pas juger le fromage, on va juger la raclette. Vu que les fromages sont envoyés d'un peu partout, ils nous sont envoyés sous vide, prêts à être raclés. On ne peut donc pas juger de l'aspect extérieur du fromage", précise encore Laurent Ecoeur. Et d'ajouter: "Dans la grille d'évaluation, comptent notamment la première impression qui vient à l'approche de la raclette dans l'assiette, et l'impression générale. Il y a aussi la texture: il faut qu'elle soit coulante".

Une douzaine de racleurs se sont activés en coulisses, dans une salle séparée et invisible au public. Briefés, ces bénévoles ont eu la lourde tâche de réaliser des raclettes parfaites, notamment à la bonne température et sans "brûlures" sur le dessus. Au total, 250 personnes gravitent bénévolement autour de ces mondiaux.

Les experts n'ont pas eu le monopole du fromage. Dès vendredi, le grand public a pu, lui aussi, fondre au rythme des raclettes via des dégustations, des ateliers et autres animations.

Le budget de cette première édition se monte à 450'000 francs, financés notamment par les communes de la vallée, la région Dents du Midi et du sponsoring.

Championnat du monde de raclette

Podcast – Pourquoi on aime autant le fromage en Suisse?

En Suisse, on aime le fromage. Les plus populaires s'appellent Appenzeller, Tilsiter, Tête de Moine, Emmental… sans oublier la raclette et la fondue, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Et quand la justice américaine ose dire que notre Gruyère peut ne pas être fabriqué en Suisse, les réactions sont vives. Mais pourquoi on aime autant le fromage en Suisse? 

Le fromage suisse a la cote. En 2020, la consommation par habitant a augmenté de 5,5% en Suisse, pour atteindre 23,1 kg en moyenne. Au même titre que le chocolat et les montres, il s'exporte aussi très bien, 77'000 tonnes s'en sont vendues à l'étranger, soit un marché d'environ 694 millions de francs. Preuve, s'il en fallait encore une, de l'amour des Suisses pour leurs fromages, le tollé suscité par la récente décision d'un juge fédéral américain qui a décrété que le terme gruyère était devenu "générique" aux États-Unis et qu'il n'était donc plus réservé aux produits originaires de Suisse.

Dans Le Point J, Jérémie Forney, anthropologue et enseignant à l'Université de Neuchâtel, spécialiste des systèmes agro-alimentaires, qui a beaucoup travaillé sur les produits laitiers, explique les raisons de cet amour inconditionnel pour le fromage, en Suisse, entre respect d'un patrimoine ancestral et appartenance à une identité nationale.

Il y a une longue histoire d'amour entre la Suisse et le fromage, qui tient à son climat et sa topographie, mais aussi à des raisons sociales, culturelles et historiques

Fromage suisse et représentation idyllique des alpages

"Par son climat et sa topographie, la Suisse est propice à la production laitière", explique Jérémie Forney, mais selon lui l'histoire d'amour entre la Suisse et le fromage tient également à des aspects sociaux, culturels et historiques. Et malgré les courants vegan ou les problématiques liées à l'élevage, "une immense majorité de gens continuent de relier l'image des fromages suisses à leur représentation idyllique des alpages et des vaches heureuses et libres dans les pâturages". Même chose vu de l'étranger, l'image de la Suisse reste associée au fromage grâce au marketing et aux activités touristiques qui sont développées dans de nombreuses régions du pays autour de ces produits.

Aujourd'hui, on recense plus de 1500 variétés différentes de fromage, en Suisse, selon Dominik Flammer, journaliste, écrivain, spécialiste de l'histoire des produits du terroir et auteur notamment du livre Fromages Suisses paru en 2010 chez Glénat qui recense, également, dans cet épisode, les meilleures variétés et la liste est longue, car la réputation du fromage suisse tient à sa qualité supérieure.

Davy Bailly-Basin et l'équipe du Point J

Pourquoi aime-t-on autant le fromage?

Evolution des traditions: menace ou nécessité?

Un taureau en guise de prix: les défenseurs des droits des animaux critiquent cette coutume

Dans le "schwingen", une forme de lutte, la tradition veut que les vainqueurs ramènent un animal à la maison. Les défenseurs des droits des animaux considèrent qu'il s'agit d'un acte de cruauté.

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Le taureau Magnus était le principal prix de la Fête fédérale de la lutte et des jeux alpestres (FFLS) à Pratteln (BL). Une apparence imposante et puissante. Il pèse environ une tonne, mesure 1,80 mètre de haut et vaut quelque 30'000 francs.

Pour les lutteurs suisses, appelés "schwinger", c'est un honneur particulier de gagner un animal aussi impressionnant: "Pour la plupart, c'est un rêve d'enfant de célébrer sa victoire avec un taureau. C'est un honneur de pouvoir gagner un animal aussi puissant et fort", déclare le lutteur Marcel Räbsamen. Lors de la Fête fédérale de la lutte et des jeux alpestres à Pratteln, onze prix en nature sont offerts aux vainqueurs.

Cela représente beaucoup de stress pour les animaux. On ne peut pas les préparer à cela.

Julika Fitzi-Rathgen, de la Protection suisse des animaux (PSA), ne comprend pas cette tradition. "C'est beaucoup de stress pour les animaux. On ne peut pas les préparer au bruit et à la situation dans l'arène", explique la responsable du centre de conseil vétérinaire de l'organisation.

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Les prix en nature ne sont tout simplement plus appropriés. "Il y a aussi des animaux en gestation parmi eux. Si nous juxtaposons le bien-être des animaux et la tradition, c'est impossible". Il s'agit déjà de cruauté envers les animaux, affirme Julika Fitzi-Rathgen. "Fondamentalement, à mon avis, les animaux vivants ne devraient pas être des cadeaux."

Urs Schneider n'accepte pas cette critique. Il est responsable des prix en nature à la FFLS. "Toute personne qui observe les animaux ici à la FFLS remarque immédiatement qu'ils ne sont pas stressés. Ils mangent, s'allongent, mâchent leur nourriture. Un animal stressé se comporterait différemment", explique Urs Schneider.

Toute personne qui observe les animaux de la FFLS remarque immédiatement qu'ils ne sont pas stressés.

Il est conscient de sa responsabilité envers les animaux et fait tout pour leur bien-être. Cinq personnes s'en occupent 24 heures sur 24, précise Urs Schneider, qui insiste sur le fait que les prix en nature constituent un élément important de la FFLS: "Nous sommes convaincus qu'il ne s'agit pas d'une chose désuète, mais d'une tradition vivante et magnifique, vieille de plusieurs centaines d'années".

En Suisse, les primes en nature sont aujourd'hui largement symboliques. Même pas 10% d'entre elles sont remises en fin de compte. Comme les lutteurs ne travaillent plus guère comme agriculteurs, ils préfèrent prendre la contre-valeur en argent.

Par exemple, Christian Stucki, le "roi" de la Fête fédérale de lutte 2019 à Zoug, n'a pas ramené le taureau gagnant Kolin. Mais la tradition est populaire parmi les lutteurs.

Néanmoins, il s'agit d'une tradition très agréable et importante que nous devrions continuer à cultiver.

"La plupart du temps, les gagnants échangent le prix en nature contre de l'argent. Il s'agit néanmoins d'une tradition très agréable et importante que nous devrions continuer à cultiver", déclare par exemple le lutteur Kilian von Weissenfluh. Son collègue lutteur Severin Schwander est du même avis: "C'est bien que tout le monde reçoive un prix en nature. Même s'il ne s'agit que de prestige et que la plupart d'entre eux finissent par prendre l'argent".

Un taureau en guise de prix

Comment Halloween est devenu un élément de la culture suisse

Le calendrier suisse regorge de traditions bizarres et souvent inquiétantes. Y a-t-il de la place pour Halloween ? Oui, disent les enfants ravis et les vendeurs de citrouilles. Certains voisins et puristes culturels sont moins sûrs.

"Süsses oder Saures !" "Des bonbons ou un sort ! Il y a trente ans, la plupart des Suisses n'auraient pas eu la moindre idée de ce qui se passait s'ils avaient ouvert leur porte d'entrée pour trouver deux enfants de huit ans, gavés de sucre et déguisés en sorcières ou en squelettes, criant "des bonbons ou un sort".

Depuis le milieu des années 1990, Halloween s'inscrit, quoique faiblement, dans la vie culturelle suisse. "Comme les Oktoberfests, qui enivrent désormais aussi la ville et la campagne en Suisse", écrivait le journal St. Galler Tagblatt, en référence aux festivals de bière allemands.

"Les pessimistes culturels voient les coutumes nationales menacées. Les chrétiens évangéliques en particulier rejettent Halloween parce qu'il s'agit d'occultisme et de satanisme - sans tenir compte du fait que l'événement a depuis longtemps cessé d'avoir des caractéristiques religieuses sérieuses et qu'il est largement commercialisé. Ce sont les folkloristes, et non les théologiens, qui sont à l'origine d'Halloween, et les experts en marketing et les organisateurs d'événements qui sont à l'origine de sa diffusion dans notre pays".

L'évolution d'Halloween est obscure, mais pour simplifier, on pense que cette fête trouve son origine dans les traditions celtiques païennes, telles que l'ancienne fête gaélique de Samhain, au cours de laquelle les gens allumaient des feux de joie et portaient des costumes pour éloigner les fantômes.

Au huitième siècle, le pape Grégoire III a fait du 1er novembre un jour d'hommage à tous les saints. Rapidement, la Toussaint a intégré certaines des traditions de Samhain. La veille était connue sous le nom de "All Hallows' Eve", et plus tard sous le nom de "Halloween".  

L'émigration massive des Irlandais et des Ecossais au XIXe siècle a permis à Halloween de prendre son essor aux États-Unis et d'être célébrée par des personnes de toutes origines sociales, raciales et religieuses. À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, grâce à l'influence culturelle des Etats-Unis, Halloween s'est répandue dans de nombreuses régions du monde, y compris en Europe continentale.

La tradition s'est introduite en Suisse romande à partir de la France, puis en Suisse alémanique, selon le folkloriste Konrad Kuhn, qui a confirmé qu'Halloween n'était pas un sujet d'actualité en Suisse avant le milieu des années 1990.

Il a fallu quelques années pour que les grands distributeurs et les médias s'y intéressent, mais ce qui a vraiment donné un coup de pouce à Halloween en Suisse, c'est la découverte par les agriculteurs, à la même époque, de la courge comme nouvelle source de revenus, écrit Konrad Kuhn dans "Kürbis, Kommerz und Kult : Halloween und Kürbisfest zwischen Gegenwartsbrauch und Marketing" ("Courge, commerce et culte : Halloween et la fête de la citrouille entre coutume contemporaine et marketing"), publié dans "Folklore Suisse" en 2010.

Les frères Jucker, dans le canton de Zurich, ont joué un rôle de pionniers en matière de médias. Leur exploitation est rapidement devenue célèbre dans toute la Suisse pour ses citrouilles et ses événements tels que les records de la plus grande pyramide de citrouilles, de la plus grande soupe de courge, de la cucurbitacée la plus lourde, etc. Les médias s'en sont emparés et d'innombrables agriculteurs ont suivi leur exemple et inondé la Suisse de courges. Des légumes qui étaient jusque-là consommés avec parcimonie, mais qui remplissaient désormais les cuisines et les restaurants.

En 1991, 230 tonnes de courges ont été vendues en Suisse. En 2000, il s'agissait d'environ 10'000 tonnes, selon cet article de SWI swissinfo.ch datant de 2001.

"Les Juckers ont profité de la période traditionnellement creuse du mois de novembre dans le secteur de l'événementiel, de sorte qu'en plus des grands détaillants, des parcs d'attractions, des établissements de restauration et des magasins de déguisements se sont également montrés intéressés et ont réalisé des ventes importantes", expliquait Konrad Kuhn.

Toutefois, il semble que la fête d'Halloween ait ensuite subi un léger coup de frein. Les ventes d'Halloween dans les deux plus grands supermarchés du pays, Migros et Coop, ont chuté en 2007.

À la même époque, la couverture médiatique d'Halloween a changé, selon Konrad Kuhn. "Alors qu'auparavant, il y avait eu des reportages favorables et qu'Halloween avait même fait l'objet d'une émission de télévision en journée, l'attention se porte désormais principalement sur les dégâts matériels commis pendant la nuit par des jeunes rôdeurs".

En 2021, le journal lausannois Le Matin a déclaré que la police était bien consciente que les petits monstres d'un soir peuvent devenir de vrais monstres.

"Ces dernières années, de plus en plus de personnes ont eu la désagréable surprise de voir des œufs jetés sur le devant de leur maison ou sur leurs fenêtres. Alors que la menace d'"un bonbon ou un sort" est censée n'être qu'une menace, certains enfants se vengent réellement de ceux qui ne leur donnent rien ou ne leur ouvrent pas la porte.

La police a rappelé que la participation à Halloween "n'est pas obligatoire" et que le refus ne doit pas entraîner de représailles, "aussi anodines qu'elles puissent paraître".

Aujourd'hui, le 31 octobre, les grands magasins suisses proposent des "offres d'Halloween", les restaurants continuent de mettre de la courge dans tout ce qu'ils font et les cinémas diffusent des films d'horreur classiques.

"Jouer avec des choses effrayantes est une pratique de plus en plus répandue", estime l'hebdomadaire St. Galler Tagblatt. De nombreuses personnes s'en amusent et organisent des fêtes d'Halloween au cours desquelles elles se promènent dans le salon déguisées en zombies avec un verre de liquide sanguin et trempent des tortillas dans du guacamole "vomi" d'une citrouille.

Si Halloween en Suisse est encore loin d'être la grande fête nationale qu'elle est aux Etats-Unis, les Suisses qui la célèbrent n'y vont pas de main morte, les adultes essayant apparemment de se surpasser les uns les autres avec des maquillages gores impressionnants.

Aux Etats-Unis, les costumes sont généralement plus humoristiques ou satiriques, mais les Suisses ont l'occasion de faire de la satire pendant la saison du carnaval. Il convient également de souligner que les Suisses ne sont pas étrangers aux coutumes qui font sourciller, telles que la décapitation d'une oie morte ou le fait de retenir des jeunes filles et de les maquiller en noir.

Et comme l'a noté Konrad Kuhn, on retrouve des éléments d'Halloween dans d'autres coutumes très répandues en Suisse, comme le navet sculpté avec une bougie lors de la procession du Räbeliechtli, la demande de quelque chose à la porte d'entrée comme dans les chants de Noël, ou les éléments de commémoration des morts lors de la Toussaint.

Quant à savoir si Halloween gagne ou perd en popularité en Suisse, c'est difficile à dire. Certains quartiers organisent des fêtes bien organisées pour les adultes et regorgent de squelettes et de sorcières. Les médias sociaux permettent aux parents de créer des cartes indiquant les maisons qui participent. D'autres rues sont mortes.

Mais Konrad Kuhn était persuadé que la tradition se poursuivrait sous une forme ou une autre. "Le besoin d'un cycle annuel marqué par des temps forts persiste. On peut donc supposer que Halloween [...] sera intégrée de manière innovante dans le paysage des traditions existant".

La citrouille, a-t-il ajouté, semble également avoir trouvé sa place au-delà des fêtes d'Halloween en étant sculptée en famille puis exposée : "une coutume familiale pendant la saison sombre".

Fête d'Halloween

Des magasins en ligne pour les expats nostalgiques

Pas facile, lorsqu’on est Suisse de l’étranger, de trouver les biens de consommation qui ont bercé nos papilles. Pour les nostalgiques du Rivella, de l’Ovomaltine et autres Kägi Fret, Dominik et Manuel Huber ont fondé une entreprise qui livre chaque mois des milliers de produits suisses dans le monde entier.

«Il n'y a rien de plus beau pour moi que de siroter un Rivella et de grignoter quelques friandises suisses pour atténuer un peu le ´Heimweh´», dit Verena, une cliente qui vit en Californie (États-Unis).

Au même titre que la mémoire visuelle, les goûts de l’enfance participent au souvenir que l’on a de son pays. Alors, pour pallier la nostalgie qui les étreint – mais aussi par simple gourmandise, certains et certaines Suisses de l’étranger font appels aux services de Swiss Food Box et My Swiss World.

Deux noms pour une seule et même entreprise, fondée par les frères Huber en 2015.

A l’époque, Dominik Huber est lui-même expatrié, puisqu’il suit des études d’économie en Colombie. Il sait qu’il veut monter sa propre entreprise, mais cherche encore l’idée qui fera mouche.

En tant que Suisse, il apprécie de pouvoir s’acheter de temps à autre du chocolat dans l’une des boutiques Lindt de Bogota. Il se dit alors que s’il a lui-même du plaisir à consommer des produits suisses en étant à l’étranger, il en va sûrement de même pour ses compatriotes répartis dans le monde.

Il se renseigne sur la viabilité de son projet et s’aperçoit que rien de comparable n’existe encore en Suisse. En collaboration avec son frère Manuel, informaticien de formation, il lance donc Swiss Food Boxau début de l’année 2016.

Le principe est simple: trois box aux thématiques différentes (chocolat suisse, friandises suisses, classiques suisses) sont proposées en abonnement mensuel. En 2020, une quatrième boîte personnalisable est venue s’ajouter à l’assortiment.

En 2020 également, les frères Huber ont monté un second site appelé My Swiss World, qui permet de commander des spécialités suisses occasionnellement, sans la fonction d’abonnement.

Une fois par mois, l’appartement de Dominik Huber s’emplit de cartons et de marchandises pendant trois jours. «C’est pour cela que je n’ai pas beaucoup de meubles», plaisante-t-il. Environ 300 commandes sont envoyées depuis Winterthour. Celle qui remporte le plus de succès est la box à composer soi-même, soit la plus onéreuse de toutes.

Les commandes uniques sur My Swiss World sont quant à elles envoyées une fois par semaine. Il y en a une soixantaine par mois, dont le montant est en moyenne de 90 francs.

Environ la moitié des clientes et clients se trouvent aux États-Unis. Le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni représentent 30%. Les 20% restants sont en Europe principalement et dans le reste du monde.

Dominik Huber attribue cette répartition à deux phénomènes: «Au départ, nous avons beaucoup communiqué en anglais, et puis ce sont les pays qui regroupent les plus grandes communautés de Suisses de l’étranger en dehors de l’Europe». A cela s’ajoute le fait que «plus on est loin de la Suisse, plus on a du mal à trouver ces produits».

Swiss Food Box ou My Swiss World ne disposent d’aucun partenariat avec des marques ou la grande distribution. Dominik Huber fait ses achats dans les magasins réservés aux professionnels ou directement chez les producteurs. Lorsque des produits sont en promotion dans les supermarchés, il en profite également. «Parfois le personnel me regarde d’un drôle d’air lorsqu’il me voit vider les rayonnages de chips ou de chocolat», rigole-t-il.

Les deux magasins en ligne ne proposent ni viande, ni alcool, car ces produits sont interdits à l’importation dans de nombreux pays, notamment nord-américains. Quant au fromage, il doit être pasteurisé. Dominik Huber précise: «Il faut aussi faire attention aux dates de péremption».

Nombreuses sont les clientes et clients fidèles. «Une dame qui vit à Chicago est abonnée depuis le premier mois où nous avons lancé nos boîtes!», dit fièrement le patron de Swiss Food Box. Avec le temps, il connaît les personnes abonnées, comme cette femme aux États-Unis qui commande tout le temps des produits Ovomaltine. A celles et ceux qui sont de la partie depuis longtemps, Dominik Huber réserve parfois de petites attentions et ajoute un produit dans le colis. «On accepte aussi plus facilement les demandes particulières venant de ces personnes-là».

Les produits les plus demandés sont la moutarde, les chips au paprika, les «branches Cailler» (barres chocolatées aux noisettes) et la mayonnaise. «L'un de nos clients au Canada commande uniquement de la mayonnaise via la box personnalisée, soit 6 ou 7 tubes par mois», s’amuse le Zurichois.

Dominik Huber vit de son entreprise. Son frère a un rôle de consultant et travaille à côté. Son père lui prête également main forte depuis qu’il est à la retraite. Swiss Food Box est «devenue une petite entreprise familiale, dit-il, 100% DIY!» (de l’anglais Do It Yourself, fais-le toi-même).

Et c’est probablement l’une des raisons du succès: une entreprise à taille humaine, flexible, qui connaît ses clients. Swiss Food Box n’a pas d’entrepôt ni de bureaux, et la publicité se fait de manière ciblée sur les réseaux sociaux.

Quand on lui demande ce qu’il pense de la concurrence, le Zurichois répond: «Nous sommes actifs dans un marché qui est trop petit pour les grands», en faisant référence au Swiss Authentic Shop de La Poste qui n’a survécu que quelques mois.

Nostalgie gustative des expatriés

Du "Fuckbrett" à la techno : La musique populaire suisse 2.0

La musique folklorique suisse, autrefois considérée comme poussiéreuse, est en plein essor depuis des années. En 2007, le club de yodel Wiesenberg et la chanteuse pop Francine Jordi ont décroché le tube "Das Feyr Vo Dr Sehnsucht". En 2021, le trio familial "Tüüfner Gruess" a remporté l'émission "Stadt, Land Talent". Dans le classement suisse des albums, le groupe de yodel "Heimweh" et le "Ländlertrio Rusch-Bueblä" occupent les premières places.

Parallèlement à cette embellie, un vent nouveau souffle sur la scène. De plus en plus souvent, la musique moderne est jouée avec des instruments ou des instrumentations issus de la musique folklorique.

Agnes Wuthrich

https://pilot-prod-videos.s3.eu-west-1.amazonaws.com/fr/rubber-ochre-stingray_de_DEEPGRAM-WHISPER.vtt

En outre, des instruments oubliés, autrefois répandus dans le folklore suisse, sont redécouverts. Connaissiez-vous les Hanottere ?

Pour beaucoup, la musique folklorique reste la bande-son de l'UDC.

Dieter Ringli, chercheur et musicien spécialisé dans la chanson populaire, a écrit un ouvrage de référence sur la musique populaire suisse. Il explique que la forme originale supposée - le Ländler avec orgue à main - est relativement jeune. Après un boom dans les années 1930 et 1940, les Ländler n'ont pas continué à se développer. Conclusion de Ringli : "Pour beaucoup, la musique folklorique reste la bande-son de l'UDC.

Des musiciens qui savent comment fonctionne la musique folklorique moderne

Mais la stagnation de la scène musicale folklorique suisse appartient au passé. Plusieurs personnalités de la scène musicale suisse l'ont prouvé.

Markus Flückiger est un compositeur de musique folklorique qui a fait ses preuves aujourd'hui. Avec son Schwyzerörgeli, le virtuose ne cesse d'innover depuis des années. Ses mélodies ne datent pas d'hier, mais s'adressent également à des auditeurs plus jeunes.

Andreas Gabriel est un autre représentant de la nouvelle musique folklorique. Le violoniste explore les frontières de la musique folklorique avec son trio "Ambäck". Ce qui caractérise toujours le jeu de Gabriel : une vitesse effarante.

Musique folklorique et techno - presque liées

Le bassiste d'"Ambäck" Pirmin Huber incarne la nouvelle ouverture de la musique folklorique suisse. Il pense que la techno et le Ländler sont très proches l'un de l'autre : "La techno et le Ländler sont très proches l'un de l'autre". Sa formation "Stereo Kulisse" en est la preuve.

https://pilot-prod-videos.s3.eu-west-1.amazonaws.com/fr/upper-lime-slug_de_DEEPGRAM-WHISPER.vtt

"Fuckbrett" (du "Hackbrett", instrument traditionnel de la musique folklorique suisse) est le nom d'un album de Chris Pfändler. Ce joueur de dulcimer suisse innovant se sent également à l'aise dans le rock et le heavy metal, des styles musicaux dans lesquels on ne s'attendrait pas à trouver cet instrument ancien qu'est le Hackbrett. Pfändler fait également partie intégrante du combo pop "Kunz".

https://pilot-prod-videos.s3.eu-west-1.amazonaws.com/fr/clean-violet-whitefish_de_DEEPGRAM-WHISPER.vtt

La liste de ceux dont les travaux élargissent le cadre traditionnel est longue. Parmi les innovateurs, voire les réformateurs, on trouve le clarinettiste Dani Häusler, connu pour ses innombrables apparitions à l'émission "SRF bi de Lüt" et en tant qu'animateur radio à "SRF Musikwelle".

https://pilot-prod-videos.s3.eu-west-1.amazonaws.com/fr/classic-sapphire-llama_de_DEEPGRAM-WHISPER.vtt

Nadja Räss (yodel), Mathias Landtwing (clarinette), Kristina Brunner (Schwyzerörgeli & violoncelle) et Fränggi Gehrig font également partie de la faction des innovateurs, pour ne citer que quelques noms.

La musique folklorique suisse comme bastion réfractaire à tout progrès ? Pas du tout ! Des formations locales comme la "Kapelle Hütte-Höckler" prouvent sans cesse, par leurs contributions créatives, qu'il n'est pas question de "bouteille vide" sur la scène musicale nationale.

https://pilot-prod-videos.s3.eu-west-1.amazonaws.com/fr/broad-silver-whitefish_de_DEEPGRAM-WHISPER.vtt